Ah, les bâtons de trail ! Le débat éternel qui anime les conversations avant les départs en montagne, presque autant que le choix des chaussures. Devant vous, un dilemme : les prendre, ne pas les prendre ? On voit des coureurs filer avec, d’autres s’accrocher sans. Plutôt que de vous donner une réponse toute faite – parce qu’en trail, chaque sentier est unique et chaque coureur l’est tout autant – je vous propose une analyse sincère et technique. L’idée n’est pas de vous dire quoi faire, mais de vous aider à choisir en conscience, en écoutant votre corps et le terrain.
Les bâtons : des alliés de taille en montagne
N’y allons pas par quatre chemins : bien utilisés, les bâtons sont de véritables extensions de notre corps, offrant des avantages non négligeables, surtout quand la pente s’invite à la fête. Ce ne sont pas des béquilles, mais des outils pour mieux dialoguer avec le sentier.
- Un soutien et une propulsion accrus en montée : C’est sans doute l’avantage le plus évident. En poussant sur vos bâtons, vous engagez le haut du corps (épaules, triceps, dorsaux), ce qui permet de soulager vos jambes. C’est comme avoir quatre roues motrices. Vous répartissez l’effort sur un plus grand groupe musculaire, ce qui se traduit par une consommation d’énergie plus efficace et un gain de puissance. La sensation de ne pas "forcer" uniquement avec les cuisses est un vrai plus sur de longues ascensions.
- Une meilleure stabilité et sécurité en descente et sur terrain technique : Ici, les bâtons agissent comme des sondes. Ils vous aident à tâter le terrain, à anticiper les obstacles. Sur un pierrier instable, une section glissante ou un passage rocheux, ils offrent deux points d’appui supplémentaires. Cela réduit considérablement les risques de chute, vous permettant de descendre avec plus de fluidité et de confiance. L’impact sur les articulations (genoux, chevilles) est aussi significativement diminué grâce à cette meilleure répartition du poids et des chocs.
- Une réduction de la fatigue globale : En répartissant l’effort entre le haut et le bas du corps, vous limitez l’usure prématurée d’un seul groupe musculaire. Sur un ultra-trail, cette gestion d’énergie est cruciale. Moins de fatigue musculaire, c’est aussi un risque moindre de blessure et une meilleure capacité à maintenir votre rythme sur la durée. Votre corps vous remerciera au fil des heures.
- Aide à la posture et à la respiration : Avec une bonne technique, les bâtons peuvent vous aider à maintenir une posture plus droite, ouvrant ainsi la cage thoracique et favorisant une respiration plus ample et plus efficace. En montée, cela peut faire toute la différence.
Quand le silence des mains est préférable : les limites des bâtons
Malgré leurs atouts, les bâtons ne sont pas la solution universelle à chaque situation. Il y a des moments où s’en passer est plus judicieux, voire nécessaire. C’est une question d’adaptation, d’écoute du moment présent.
- L’encombrement et la contrainte technique : Des bâtons, ça se gère. Il faut les déplier, les replier, les ranger, les tenir. Sur des sections planes ou roulantes, ils peuvent devenir un handicap, une source de gêne ou même un risque de s’emmêler les pieds. Une technique bâclée peut même entraîner une dépense d’énergie inutile, voire des douleurs au dos ou aux épaules.
- Un apprentissage nécessaire : L’utilisation des bâtons ne s’improvise pas. Il faut apprendre à synchroniser le mouvement des bras et des jambes, à doser la poussée, à adapter la prise en fonction de la pente. Sans cet apprentissage, les bâtons peuvent casser votre rythme naturel, vous rendre moins agile et vous fatiguer plus qu’autre chose. C’est un dialogue entre vous, vos bâtons et le sentier qui demande du temps.
- Le risque de dépendance et de déséquilibre : Utiliser des bâtons systématiquement, même quand ce n’est pas nécessaire, peut empêcher le corps de développer pleinement sa propre stabilité et son équilibre naturel. Pour des sorties courtes ou sur des terrains peu techniques, il est parfois bon de laisser les bras libres pour affiner son proprioception et sa foulée naturelle. Le corps a des ressources insoupçonnées pour s’adapter, laissons-le faire.
- Certaines situations techniques extrêmes : Sur des passages où l’on doit s’aider des mains pour grimper (escalade facile, via ferrata), les bâtons deviennent un obstacle. Il faut alors les ranger rapidement, ce qui peut faire perdre du temps et déconcentrer.
L’art d’utiliser ses bâtons : technique et conscience
Si vous décidez d’adopter les bâtons, ne les considérez pas comme de simples accessoires. C’est une compétence à développer, une danse avec le terrain. Il ne s’agit pas de "pousser fort", mais de "pousser juste".
Voici quelques pistes pour une utilisation consciente :
- Longueur et réglage : La plupart des bâtons de trail sont réglables. En montée raide, on peut les raccourcir légèrement pour avoir plus de levier. En descente, on peut les rallonger un peu pour mieux anticiper les appuis. Sur le plat, la règle générale est d’avoir le coude à 90 degrés. Expérimentez pour trouver votre confort.
- Le rythme et la coordination : L’erreur classique est de pousser de manière désordonnée. L’idéal est un rythme croisé : bâton droit et jambe gauche avancent ensemble, puis bâton gauche et jambe droite. C’est une marche nordique version trail, plus fluide, plus naturelle. Entraînez-vous sur des montées douces pour trouver votre cadence.
- La dragonne : Mal utilisée, la dragonne peut blesser. Elle doit vous permettre de relâcher un peu la main tout en assurant la poussée par l’avant-bras. N’agrippez pas le bâton comme une massue ; la poussée vient principalement de la dragonne, la main servant à guider.
- Quand les sortir, quand les ranger ? C’est la clé de l’efficacité. Sur un sentier qui alterne montées raides et plats roulants, le choix de les manipuler est important. Soyez attentifs aux changements de terrain. Ne les sortez pas "par défaut", mais "par besoin".
Faire son propre choix : écouter le sentier, écouter son corps
Finalement, la question "bâtons ou pas bâtons" n’a pas de réponse universelle. Elle est profondément personnelle et évolutive. Le choix dépendra de plusieurs facteurs :
- La distance et le dénivelé : Plus c’est long et plus il y a de D+, plus les bâtons ont de chances d’être utiles.
- Le terrain : Très technique, très rocheux, très glissant ? Les bâtons peuvent être un atout sécurité majeur.
- Votre forme du jour et votre fatigue : Un jour sans, les bâtons peuvent être un soutien précieux.
- Vos préférences personnelles : Certains aiment la sensation, d’autres pas. Certains se sentent plus à l’aise, d’autres moins. C’est votre ressenti qui prime.
- Votre niveau technique : Un débutant peut trouver les bâtons rassurants, un coureur expérimenté peut les réserver aux conditions extrêmes.
L’important est de tester, d’expérimenter et de s’écouter. Ne laissez pas les modes ou les avis tranchés dicter votre pratique. Le trail, c’est avant tout un cheminement personnel, un dialogue avec soi-même et avec la nature. Soyez curieux, adaptez-vous et surtout, prenez du plaisir dans l’effort maîtrisé.
Que vous choisissiez de courir avec la force de vos deux jambes ou de vous appuyer sur l’aide de vos fidèles compagnons télescopiques, l’essentiel est de courir avec le cœur, en respectant les sentiers et votre propre rythme. Le trail est une aventure, pas une compétition stérile.
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